Robert fait ses études à l’école de Charterhouse. La discipline y est rigide, mais le jeune garçon, dèsqu’il en a l’occasion, se réfugie dans le taillis, petit bois situé derrière l’école et interdit aux élèves. Robert doit déployer des ruses de sioux pour échapper aux rondes des professeurs. Ce qui ne l’empêche pas d’inventer de nombreux jeux, de se mettre à l’affût des animaux, et de faire cuire du petit gibier sur des “feux sans fumée” pour ne pas se faire repérer. Il est considéré comme un élève attentif, joueur, et bon camarade, créatif, mais pas comme un génie. Avec ses frères, il a souvent l’occasion d’explorer la campagne, de camper et de faire du canotage. Cette enfance lui donne une solide formation pour la vie de plein air et la débrouillardise.
Il choisit en 1876 la carrière militaire. Il arrive deuxième au concours d’entrée, ce qui surprend tout le monde. Lieutenant de l’armée des Indes, il va y développer ses dons pour le sport, l’observation, le déguisement et la vie au grand air. Un temps agent de renseignements en Russie, le voilà colonel, en 1899, commandant les 1 000 hommes de la garnison de Mafeking en Afrique du Sud, assiégée par 10 000 Boërs.
Le siège va durer 217 jours, au cours desquels B.P. multiplie ruses et astuces, utilisant même de jeunes garçons comme messagers, observateurs, sentinelles. La résistance des assiégés de Mafeking est suivie avec attention par toute la presse britannique. La libération de la ville le 16 mai 1900 fait de B.P. un héros national. Nommé Major Général, il organise la police montée sud-africaine.
Dès les débuts de sa carrière militaire, il a insisté, dans la formation des soldats, sur l’esprit d’initiative et le sens de l’observation. Il est lui-même devenu un excellent éclaireur et a formé de nombreux éclaireurs : aux avant-postes des troupes, ils doivent repérer la route et éventuellement l’ennemi, savoir se débrouiller en territoire hostile ou inconnu.
B.P. publie toutes ses observations sur le “scouting” (l’art des éclaireurs militaires) en 1899 dans un petit fascicule destiné aux militaires : “Aids to scouting”. L’histoire ne dit pas quel fut l’accueil réservé à ce livre au sein de l’armée britannique. Par contre, à son retour en Angleterre, B.P. découvre avec surprise que son livre connaît un grand succès auprès d’éducateurs et de jeunes garçons qui s’en inspirent pour leurs jeux et activités, et même pour des activités d’observation dans le programme de certaines écoles.
Soldat colonial, il a le souci de la grandeur de l’Angleterre. Pour lui, elle passe par la santé, l’éducation et le civisme de tous. Il est frappé de stupeur en découvrant le contraste qui existe entre la population juvénile de la banlieue de Londres, en mauvaise santé, désoeuvrée et souvent délinquante, et les jeunes soldats, sains et vigoureux, épanouis, qu’il a contribué à former sur deux continents. Il a aussi remarqué, en utilisant les adolescents de la ville de Mafeking comme estafettes et éclaireurs pendant le siège (pour réserver les hommes à la défense des remparts), que les jeunes garçons étaient solides et capables de grandes choses, à condition qu’on sache leur parler et qu’on leur face vraiment confiance.
Beaucoup de jeunes lui écrivent et il ne manque jamais de répondre longuement à ses lecteurs. C’est ce qui l’incite à se mettre au travail et à envisager l’utilisation de toutes les techniques qu’il a vécues et expérimentées lors de ses campagnes pour les mettre au service des garçons dans une optique de paix.
Au mois d’août 1907, il emmène une vingtaine de garçons sur l’île de Brownsea, pour un camp expérimental. Il forme des patrouilles de cinq garçons dirigés par l’un d’entre eux et leur fait pratiquer par des jeux les exercices préconisés par sa méthode. Les résultats sont jugés excellents par les garçons et par B.P. Il fait alors paraître en fascicules séparés, chapitre par chapitre, un ouvrage intitulé “Scouting for boys” (traduit en français sous le nom de : “Eclaireurs”). Ce livre considéré comme “la bible du scoutisme” est, dans l’esprit de son auteur, la mise à la disposition des patronages et des mouvements de jeunes d’une méthode éducative nouvelle, fruit de son expérience, basée sur une loi, une promesse, la vie en patrouille et les activités au grand air. Très vite, des millions d’exemplaires de ce manuel de “civisme à l’école de la nature par la science des bois” sont vendus.
Dès l’apparition du manuel “Eclaireurs”, les garçons forment spontanément leurs propres patrouilles, de plus en plus souvent en-dehors des institutions existantes. Sans l’avoir vraiment voulu, B.P. est obligé d’organiser le mouvement naissant. Avec l’appui du roi d’Angleterre Edouard VIII, il abandonne la carrière militaire en 1910 et se consacre tout entier au Scoutisme. La suite se confond avec l’histoire même du scoutisme et du guidisme mondial.
Retenons encore de la vie de Baden-Powell qu’elle se termine au Kenya, le 8 janvier 1941. Sa maison porte le nom de “PAXTU”, néologisme qui peut signifier : à toi la paix, ou la paix soit avec toi. Car la principale caractéristique du scoutisme inventé par Baden-Powell, est de vouloir éduquer les enfants et les jeunes de toutes races, langues, cultures, religions et conditions sociales, à devenir, à l’inverse des éclaireurs militaires qu’il forma, des “éclaireurs de paix”, c’est à dire des hommes et des femmes heureux, utiles, actifs, aux avants-postes de l’existence. Le scoutisme, en perpétuelle expansion depuis sa création, est sans conteste le plus grand mouvement d’éducation, indépendant, apolitique et basé sur le volontariat des jeunes, de la planète. Chaque scout, chaque guide, chacun à titre individuel et tous ensemble à tous les niveaux d’association, contribuent à essayer d’être fidèles au dernier message du fondateur : “Essayez de laisser ce monde, quand vous le quitterez, un peu meilleur que vous ne l’avez trouvé en y entrant.”